Le récit
L’histoire de La chorale au Mont débute en 2012 dans l’énergie d’Occupons Montréal et du mouvement étudiant qui activent enfin pour la génération de l’artiste une prise de parole collective et profonde remettant en question, de l’intérieur, le système d’éducation et, de ce fait, le projet québécois de société. Ces rassemblements prennent dès lors toute sorte de formes : assemblées populaires, discussions en petit groupe, repas communautaires, marches journalières, campements et surtout occupations physiques de l’espace public.
Habitée par cette vitalité, mais également épuisée par l’engagement militant quotidien, arkadi lavoie lachapelle élabore La chorale : un banc berçant en bois de tilleul, léger et démontable, inspiré des chaises berçantes anciennes, incluant 20 places et construit de façon artisanale avec l’aide de l’ébéniste Gilles Rivard. Un espace performatif pour garder la mémoire de l’élan solidaire et réflexif d’un engagement et d’une lutte commune en offrant une expérience physique d’un rythme partagé. De l’action d’un pouvoir-du-dedans et non d’un pouvoir-sur, négocié entre les berceurs et berceuses, n’excluant pas la résistance, et qui implique que, tout en se berçant, tout en se faisant du bien à soi-même, on peut également en faire aux autres.
Après quelques présentations dans des centres de diffusion artistique et quelques années d’entreposage dans un salon familial, en 2015, l’artiste propose au centre d’artistes Verticale d’installer la sculpture monumentale dans un lieu non destiné à l’art, à Laval. Ainsi, avec le soutien de Verticale et de l’enseignant d’arts plastiques Fabrice Landry, la direction de l’école Mont-de-la Salle accepte d’accueillir l’œuvre dans son hall d’entrée d’octobre 2015 à octobre 2016.
La communauté scolaire s’approprie alors rapidement l’œuvre et l’intègre dans son espace de vie. Durant les pauses et les dîners, des dizaines de personnes – jeunes comme adultes – s’y rejoignent, assises, pour jaser, manger, jouer, écrire, lire, attendre ensemble. Un esprit de communauté se forme ainsi sans que les gens ne se connaissent. Les passants – élèves, enseignants, visiteurs, public lors de spectacles – s’assoient spontanément sur l’œuvre, se berçant collectivement.
L’impact du passage de l’œuvre est tel qu’en octobre 2016, les soixante élèves du Parlement étudiant de l’école, représentant leurs pairs, votent un appui à la démarche proposée par Édith Beatrice Alexandru (gr. 405) et appuyée par Labiba Malik (gr. 501). La proposition vise à ce que l’école acquière le banc de façon permanente, une résolution entérinée par le conseil d’établissement de l’école. Nous pouvons lire dans cette résolution :
Le Parlement du Mont […] souhaite, par ce moyen, pouvoir léguer aux générations étudiantes du Mont des cent prochaines années une œuvre qui parle de “vivre ensemble”, de communauté et de partage.
L’école Mont-de-la Salle est un carrefour international avec 70 % des élèves issus de l’immigration de première ou deuxième génération. La chorale devient de ce fait le symbole de la volonté de se construire une communauté harmonieuse et, par l’invitation implicite à s’asseoir et sa capacité d’accueillir jusqu’à vingt personnes à la fois, crée cette communauté en soi.
Au printemps 2018, le processus d’acquisition et la recherche de fonds sont toujours en cours. La nouvelle version de La chorale au Mont sera construite en partenariat avec l’ébéniste Natacha Chamko et l’Atelier Clark afin d’être adaptée au bercement quotidien d’une centaine d’élèves et de perdurer pour les cent années à venir.