Manifeste des POSSIBLES

Traçons dans la ville nos lignes de désir

Les lignes de désir, c’est le nom que l’on donne aux raccourcis tracés dans la ville par les citadins, en dehors de l’itinéraire prévu par les aménageurs.

La ligne de désir, c'est ce sentier qui se faufile dans la pelouse, entre la station de métro et l’arrêt du bus.

La ligne de désir, c'est ce trou dans le grillage d’une voie ferrée parce qu’on n’a pas trouvé mieux pour passer d’un quartier à l’autre.

La ligne de désir, c’est notre façon d’aller vite, de recomposer la ville au gré de nos mouvements, de la réinventer au plus près de nos idéaux, loin des décisions centralisées et ignorantes de nos vies.

La ligne de désir, c’est le chemin vers l’émancipation, et c’est l’émancipation elle-même.
Nous avons parcouru ces lignes de désir, nous les avons dessinées.

Mais nous ne le savions pas.

Maintenant, nous savons que nous pouvons. Et cette conscience toute neuve nous galvanise. Elle nous donne la force d’agir. Elle nous dit que nous sommes aussi puissants que les puissants.

Elle fait de nos écueils des piliers, de nos fragilités des promesses, et de nos colères des souffles continus.

La ville est notre horizon premier, elle est notre asile. Nous désirons la refabriquer. Nous ne l’espérons ni lisse ni calme. Nous la rêvons fluide et prospère et fourmillante et respectueuse et respirable.

Nous la rêvons hospitalière dans son imperfection, accessible dans son foisonnement.

Ligne de désir numéro 1

se réapproprier la ville

Nous croyons que l’entité municipale est aujourd’hui ce périmètre où tout devient possible.

Celui d’où la démocratie peut surgir à nouveau, agitée, agile, allègre.

Nous voulons développer notre « conscience des lieux ».

Nous voulons que la ville – la ruelle, la rue, le quartier, l'immeuble, l’arrondissement, l’île, le territoire – devienne ou redevienne NÔTRE.

Nous voulons des quartiers que nul ne pourra nous interdire, des logements dont nul ne pourra nous chasser. Nous voulons dessiner des plages, apprivoiser les brousses urbaines, faire flotter nos étendards dans les bandes de terre oubliées.

Nous voulons exhumer les rivières scintillantes cachées sous le béton de nos rues et de nos habitudes.

Nous nous levons contre la dépossession de nos vies par ce qui vient du haut. Nous voulons rêver pour agir, et agir pour rêver.

Nous croyons que l’art est la voie de cette réappropriation, la condition de cette effervescence.

Ligne de désir numéro 2

se soucier de l’autre

La ville est une forêt d’épines pour nombre d’entre nous, une trappe sans merci, et nous ferons tout pour que celles et ceux-là ensemble s’organisent et se lèvent en houle, en vague, en ouragan, et crèvent nos bulles, et secouent nos conforts cotonneux.

Nous voulons permettre aux silencieuses et silencieux de jaillir, et de crier.

C’est à nous de tricoter la ville à mailles serrées, une ville où les besoins des communautés les moins favorisées sont écoutés, où se fanent la relégation et l’indifférence.

Nous voulons une ville-mère qui porte en son sein les moins mobiles et les plus âgés d’entre nous.

Nous croyons qu’il est électrisant d’être soi avec et pour les autres.

Nous voulons souffler sur les braises de ce qui en nous veut étreindre et embrasser.

Ligne de désir numéro 3

fabriquer le futur immédiat

Nous voulons que nos vies, toutes ensemble, aient du sens, qu’elles charrient le futur plus que la désagrégation.

Et nous avons un plan, nous savons comment faire, nous voulons nager dans un océan de savoirs empiriques, gravir une montagne de bonnes pratiques, avaler l’expérience de celles et ceux qui déjà ont fait ce pas de côté, qui inventent nos lendemains, chaotiques et fructueux.

Nos jardins alors seront d’abondance, nos transports fluides et collectifs, notre économie au service de la communauté ; nous sèmerons la beauté.

Nous aurons retrouvé, dans le spectacle quotidien des visages et des lieux, l’énergie du désir.

Nous aurons regagné l’envie d’avoir envie. 

POSSIBLES, c’est le lieu où s’entrecroisent et communiquent ces lignes de désir. 

POSSIBLES
c’est la rencontre d’où émergent des images combatives, des virevoltes électrisantes, des verbes dérangeants, des plongées salvatrices, des objets magiques, des abris palpitants, des vœux perlés d’espoir, des bouchées arc-en-ciel, des mélopées mystiques, des bouffées de liberté, des soifs de reconnaissance, des instants de silence.

POSSIBLES traduit nos désirs de citadins assoiffés d’émancipation.

POSSIBLES, c’est le chemin qui en NOUS veut se dire puis s’épanouir. POSSIBLES, c’est l’urgence, parce que le ciel est anthracite.

POSSIBLESc’est l’art qui éclaire nos mots sortis de l’ombre.

La planète vacille, elle nous réclame. Agissons. Ne retenons pas notre pensée. Soyons torrentiels dans l’expression de nos idées, faisons de notre ville leur berceau agité. Et laissons ces POSSIBLES prendre racine dans nos communautés, nourris de sens et chargés de futur.

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