Le récit
NOUS LÉVITONS
Un Blonde : prononcer à l’anglaise, ne pas chercher à comprendre. Jean-Sébastien Audet lui-même n’est pas très sûr du sens de ce vocable, le nom de son groupe : « Peut-être parce que mon guitariste et mon batteur sont blonds ? » Un Blonde, donc, dans l’atmosphère dense et surannée de l’église anglicane au toit rouge, sur Kennedy, donne ce soir-là un concert hypnotique. De ces moments dont on se dit qu’ils sont uniques, où l’on s’oublie pour mieux se dissoudre dans une communion silencieuse et totale.
Un Blonde, en cette nuit de septembre : un très jeune et magnifique chanteur-pianiste-compositeur charismatique, en longue veste de laine orange malgré la température élevée, un chœur gospel, un trio unissant violonistes et violoncelliste, un joueur de pedal steel guitar, et les deux fidèles blonds, donc, à la batterie et à la guitare, tous affairés à épouser la vibe folk-jazz-soul du jeune prodige québéco-albertain.
Un Blonde / Jean-Sébastien Audet, né à Gatineau, grandi à Calgary, vit aujourd’hui dans Parc-Extension, quartier dont il vante avec ferveur la deep culture et la chaleur communautaire, même si les sirènes de police hantent certains de ses morceaux. Montréal ? « Une ville ouverte, vibrante, abordable, où tout semble possible, et qui soutient ses artistes. » Sa bulle à lui est spirituelle – « J’ai passé mon enfance à l’église » – et le gospel est omniprésent. « Les paroles de mes chansons ne sont pas religieuses, mais l’art, l’énergie et la spiritualité ne font qu’un pour moi », dit-il. Et de préciser : « Il faut s’élever au-dessus de l’environnement immédiat tout en se souciant de cet environnement. » Quand on le questionne sur la politique, il répond : « Être un musicien de couleur est un engagement, que je le veuille ou non. »
L’écosystème d’Un Blonde sur scène évoque immédiatement le jazz, avec cette liberté apparente d’interprétation pour les musiciens, des morceaux de longueur inégale et un souci constant d’échapper à tout formalisme. Son corps debout et plié en deux au-dessus du piano, qui s’interrompt pour renouer un élastique dans ses cheveux, s’avance au milieu de la scène pour donner quelques indications gestuelles au milieu d’un morceau, boire sa bouteille de San Pellegrino. Cool. Mais pas complètement. Cette transe inouïe que l’artiste génère, et qu’on ne comprend que sensitivement, il la maîtrise, lui, totalement.
I fell back asleep
dreamt through the eyes of another
how I'd hate to feel and see things from the ground; in the box
I'm free!
like the sun rises and leaves;
that's me
« I’m Free », de l'album « Good Will Come to You », Egg Paper Factory